Cette année, je passe le brevet. En tout cas, c'est comme ça que je le vis.
Vous voyez, cher lectorat oh combien adoré, pour la première fois, j'ai une classe de troisième et j'en suis ravie. Je les aimais avant même de les avoir rencontré (
c'est risqué, me direz-vous).
Autant vous dire que le jour de la rentrée, ça a été séance de coaching avec eux.
À peine si j'étais pas déguisée en pom-pom girl criant "ALLEZ LES 3 C ! ALLEZ LES 3 C ! VOUS AUREZ VOTRE BREVET !" tout en faisant un backflip de derrière les fagots.*
Je leur ai bien fait comprendre qu'il fallait bien sûr qu'ils bossent pour eux, leur avenir, blablabla-parle-à-mon-cul-ma-tête-est-malade, mais surtout que c'était mon honneur de prof qui était en jeu. Ok, les mecs ? Si vous vous foirez, c'est la honte sur MA famille et toute MA descendance.
Bref. Il se trouve qu'en plus de ça, la classe est super kiffante. Genre, ils me posent des questions sur les grands ensembles et les problèmes sociaux en banlieue. Ils ont trouvé mon péché mignon, les fourbes.
Et il y a quelques jours, ils ont eu leur premier contrôle. Mon coaching a visiblement marché parce qu'en allant les chercher dans la cours, ils avaient tous leurs cahiers ouverts ou des fiches à la main pour réviser. En montant les escaliers, ils révisaient encore, l'air angoissé.
Pendant toute l'heure, j'ai vu leurs petites faces prépubères déformées par l'effort intellectuel. L'une des élèves m'a carrément fait un spectacle de grimace tellement qu'elle réfléchissait. Elle avait les sourcils froncés, la bouche pincée, le menton baissé. Du coup, un autre élève m'a regardé bizarrement parce que je souriais en les surveillant. Du coup, j'ai arrêté de sourire. Du coup, lui aussi.
En récupérant les copies, la fameuse élève grimaçante m'a tendu la sienne et m'a dit avec un grand sourire "
C'est la première fois que je réussis".
Franchement. Est-ce que ce n'est pas trop - mignon - sérieux ? (oui, lecteur, tu dois lire cette phrase en faisant un stop à chaque mot et en prenant une voix de pouffe).
Donc, j'ai une année pour les amener lentement mais sûrement vers cette épreuve finale. Autant dire que le débat pour moi n'est pas de savoir si le brevet c'est bien ou pas, si ça sert à quelque chose ou pas. À la limite, je m'en fous.
Je veux juste qu'ils y croient et qu'ils essayent de faire de leur mieux. Et finalement, je me demande si c'est pas le plus important dans cette affaire.
Donc c'est parti pour une année "méthode Coué":
Allez les 3 C ! On va tous les niquer ! On l'fera les doigts dans l'nez ! Hitler, Staline ou Pépé**, ces gros bâtards on les connait ! Nik sa mère la guerre de Corée !
*À l'origine, au XVIIIe siècle, l'expression "de derrière les fagots" s'appliquait au vin, celui qu'on remontait de la cave où il avait été soigneusement conservé, caché derrière les fagots de bois stockés pour l'hiver, car il était de meilleure qualité.
** Pétain. C'était pour la rime.